Le grand jour de mon rendez-vous au Consistoire est arrivé. Comme je m’y attendais, la mairie de Verdun a pris tout son temps pour m’envoyer l’extrait d’acte de naissance de ma mère en tarif lent et le précieux papier n’est pas dans ma boîte aux lettres au moment où je descends chercher le courrier. Tant pis, j’ai le livret de famille, j’espère qu’il fera l’affaire.
J’ai revêtu pour le rendez-vous avec le rabbin une jupe longue et un pull avec des manches encore plus longues. Avec les 25 degrés dehors et le soleil de plomb, il n’y a pas à dire, c’est autrement plus adapté que mon short en jeans et les tops à bretelles que je porte d’habitude. Je mets le collier que mon père m’a offert avec mon prénom en hébreu, je m’attache les cheveux, je ne me maquille pas et je file. Look de bonne élève. Ligne 14 puis ligne 12, station Notre Dame de Lorette, portes blindées, sécurité, carte d’identité et me voilà arrivée.
Parvenir au bureau où j’ai rendez-vous est un véritable jeu de piste. Un homme m’indique un parcours bien compliqué : à droite, quatrième étage, deux fois à gauche puis sixième étage et tout au fond. Mes neurones se mobilisent dans un effort surhumain. J’arrive finalement dans une salle d’attente où deux dames sont déjà assises. Je remarque que les locaux sont incroyablement vétustes. Après quelques minutes silencieuses, nous échangeons quelques mots. Une famille arrive, puis un monsieur ventru, puis la secrétaire. Il est 14h00, j’avais rendez-vous à 13h30. Je ne perds pas patience, s’énerver ne servirait à rien.
Dans un élan de hardiesse, le monsieur ventru demande à la secrétaire si le rabbin qui doit le recevoir va bientôt arriver et on lui rétorque que le bureau dudit rabbin ne se trouve pas ici, qu’il faut redescendre au quatrième étage, aller de l’autre côté et remontrer au cinquième étage. En bref, j’ai attendu trente minutes pour rien. Ne pas s’énerver, ce n’est rien. Direction le bon endroit où j’attends trente minutes supplémentaires avant d’être reçue par un rabbin.
C’est un rabbin qui a l’air gentil et très aimable. Il est rigolo avec ses écouteurs Apple dans les oreilles, sûrement reliés à son téléphone portable. Il finit quelques photocopies et m’invite à passer dans son bureau. L’entretien se passe bien, nous discutons, je sors tous les documents demandés. Il ne me demande pas l’acte de naissance de ma mère mais seulement mon livret de famille, pour mon plus grand soulagement. Il remplit soigneusement un papier en français et en hébreu, agrafe ma photo d’identité et me remet ce qui est désormais mon certificat de judaïcité. Il est 15h00 passées.
Je dois à présent m’alléger de la somme de 50€ que je me force à considérer comme un don tant ce tarif me paraît exorbitant. Poussée par je ne sais quelle pulsion ashkénaze, je demande si je peux avoir quelques photocopies de l’acte en rab, ce sera toujours ça de fait et de disponible en réserve si d’aventure j’en avais besoin à l’avenir. C’est vrai ça, avec les Juifs, on ne sait jamais, il faut s’attendre à tout.
Je range toutes mes affaires dans mon sac et prends congé du rabbin qui me souhaite beaucoup de bonnes choses, dans le désordre : de nouveaux clients pour mes traductions, un bon départ en Israël, un mari, une bonne journée, Chana Tova et soyez heureuse. Je refais le chemin en sens inverse et me voilà de nouveau dans la rue.
Je m’engouffre dans la bouche de métro, passe les tourniquets et tombe nez à nez avec des contrôleurs de la RATP. Complètement à l’Ouest, je leur ai présenté mon certificat de judaïcité au lieu de mon passe Navigo. “Il n’y a pas de mal, mademoiselle, bonne journée”

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