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Un ancien émissaire de l’agence juive raconte sa version de l’Alyah française

De l’agence juive, on ne connait souvent que la façade.  Candidats à l’Alyah, étudiants juifs, adhérents de mouvements de jeunesse ou simples membres de communautés juives de France, nous profitons tous de ses services en tant que « consommateurs ». Mais à quoi ressemblent les coulisses de cette institution? Yossi Abravanel, émissaire d’Alyah en charge de l’emploi entre 2005 et 2008 nous dévoile l’envers du décor : comment les programmes d’Alyah sont élaborés, quels obstacles menacent leur réussite et les challenges qui attendent les juifs de France à leur arrivée en Israël.  Entretien vérité avec un fonceur qui ne mâche pas ses mots.

Quels projets avez-vous mis en place pour l’Alyah des juifs de France ?

Le diagnostic  est clair depuis longtemps : la question des revenus et de l’emploi constitue le 1er blocage à l’alyah des juifs de France.

L’idée que nous avons développée : aider en amont les futurs émigrants à s’assurer un emploi en Israël. Leur donner les bons outils pour accéder à l’emploi en Israël, avant même de partir de France. En particulier les candidats à l’alyah exerçant des professions libérales qui étaient freinés par de multiples examens d’équivalence. On était en 2005.

Nous avons donc commencé par ouvrir une école préparant au barreau Israélien à Paris. Un programme d’étude Pilote permettant de se préparer depuis la France aux 8 examens d’équivalence du diplôme d’avocat – y compris celui d’hébreu juridique.

Nous souhaitions commencer par le challenge le plus difficile à relever. A première vue, il semble très complexe d’exercer le métier d’avocat dans une langue étrangère vu que cette profession tout entière repose sur la maitrise de la langue, de la rédaction des contrats à la plaidoirie. Si nous parvenions à faire passer les examens d’équivalence aux avocats français souhaitant faire l’alyah, nous enverrions un signal positif aux autres professions libérales.

Je me suis rendu auprès de la bâtonnière de Jérusalem pour lui exposer le projet. Nous avons également recruté le Juge Yoel Tsour, Juge du Beit Michpat Hachalom, originaire d’Argentine, qui souhaitait aider à faciliter l’Alyah des juifs de France.

L’obstacle central, c’était l’hébreu. Regardons la vérité en Face : les français ne sont pas doués en langues. Particulièrement en hébreu. Alors les préparer à un examen de droit en hébreu juridique… Nous avons donc mis le paquet sur l’apprentissage de l’hébreu.

Nous avons organisé des cours d’Oulpan spécifiques donnés par des profs israéliens « Yordim (expatriés) en collaboration avec les centres communautaires juifs, destinés à remettre les étudiants à niveau en hébreu.

Au final, nous avons réussi à faire passer les examens d’équivalence du barreau israélien à une centaine d’avocats français. Les 2/3 ont choisi de faire leur Alyah. Direction : le stage en cabinet d’avocat israélien, obligatoire pour valider le barreau. Nous étions parvenus à raccourcir le temps de préparation à l’Alyah et d’intégration en Israël. Ces avocats avaient déjà un pied le marché du travail israélien – le stage était rémunéré – ce qui leur permettait de lancer leur carrière d’avocat en Israël.

En marge du succès de ce programme pilote, nous avons reproduit le modèle pour les professions médicales : dentistes, pharmaciens qui souhaitaient faire leur Alyah. Et nous avons mis en place des programmes pour des personnes moins diplômées, comme les agents immobiliers.

Quels sont les freins majeurs à la réussite des projets d’Alyah ?

  • La motivation fragile des candidats à l’Alyah

D’abord, il faut énormément de psychologie pour motiver les candidats à l’Alyah. Leur faire prendre confiance en leur capacité de s’exprimer dans une langue étrangère, l’hébreu et de réussir 9 examens de droit dans cette langue-là ! Nous devions donc constituer une équipe qui comprenne la psychologie du juif de France en phase d’Alyah.

  • La mentalité française, pour le meilleur et pour le pire

Il faut de la psychologie également pour faire face à la mentalité française. Je ne sais pas si c’est le réflexe de l’état providence mais les français ont tendance à penser que tout leur est dû. Qu’on les accompagnera de A à Z. Alors c’est vrai qu’on essaye de mettre en place le plus de structures possibles pour faciliter l’Alyah. Mais il est fondamental d’être proactif si on souhaite réussir son Alyah.

L’Alyah, ça marche par « miles stones », par bornes. Tant qu’on dit, « un jour, je ferai l’Alyah… », il ne se passe rien. Si l’on souhaite vraiment partir en Israël, il est important mettre des étapes qui baliseront le projet.

Commencer par une date : je ferai mon Alyah dans 6 mois, 1 an, 10 ans…

Et en fonction de cette date repère, considérer le temps disponible comme une période de préparation à l’Alyah pour avancer de manière plus sereine. Une préparation à l’apprentissage de l’hébreu, préparation professionnelle, familiale…  Ne pas manquer, par exemple de bien préparer les enfants à cette étape cruciale de leur jeune existence.

Les contraintes budgétaires

Dernière difficulté : les contraintes budgétaires. A l’époque, les chiffres de l’Alyah étaient plus modestes qu’aujourd’hui. Il y avait environ 2000 à 3000 Olim de France par an.  Les budgets de l’Agence Juive étaient limités mais nos équipes étaient motivées, ingénieuses et efficaces. Je veux rendre hommage aux équipes en place car aujourd’hui, avec le double, voire le triple de demandes d’Alyah, les budgets sont restés les mêmes. Il n’est pas évident de faire face à l’afflux de dossiers dans ces conditions. Chapeau à elles !

Les principaux challenges qui attendent les juifs de France lorsqu’ils arrivent en Israël ?

Comprendre la méthode de recrutement israélienne

Le premier challenge qui attend les français qui arrivent sur le marché du travail en Israël consiste à comprendre les règles du jeu, en termes de recrutement.

Il n’est pas évident pour un français d’intégrer que le recrutement en Israël passe avant tout par le réseau, qu’il soit professionnel ou même personnel. Lorsqu’on cherche un emploi en Israël, il faut le dire à tout le monde, en faire part à tous les membres de ses réseaux. On ne doit donc pas s’embarrasser de fausses pudeurs, de timidité ou même de la honte toute française que l’on peut parfois ressentir en tant que demandeur d’emploi.

En Israël, le mode de pensée est anglo saxon. Il faut aller chercher soi-même son job, voire se créer son propre poste, et ne pas avoir peur d’utiliser tous les moyens pour y parvenir. Savoir se « vendre », se mettre en avant sans fausse modestie pour supplanter la concurrence. C’est plus difficile d’opérer cette mue quand on n’a pas été élevé en Israël et qu’on ne maitrise pas une des 2 langues clés pour y parvenir ; l’hébreu ou l’anglais.

Atteindre le « seuil critique » d’autonomie en hébreu

Deuxième challenge, la langue. Même si les mentalités évoluent doucement, rares sont les francophones qui mettent le paquet sur l’apprentissage de l’hébreu.  Certes, le télétravail fournit un filet de sécurité à bon nombres de familles, ainsi que des revenus parfois confortables à court terme. Mais les call-centers n’ouvrent en aucun cas des perspectives de travail ou d’intégration en Israël.

Pour s’intégrer dans ce pays pour de vrai, on n’a pas d’autre choix que celui de passer par la case apprentissage de l’hébreu.

On peut faire le choix de rester analphabète en hébreu ou de conserver un niveau bas. Mais cela n’est pas souhaitable lorsqu’on souhaite réussir son Alyah.

L’Oulpan doit pouvoir permettre d’atteindre un “niveau-seuil critique” d’autonomie en hébreu. Une base à partir de laquelle il devient possible de poursuivre l’apprentissage de l’hébreu seul, avec les moyens de la vie de tous les jours (TV, Radio, Presse, Emploi, Etudes, Livres…) Mais tant que ce seuil n’est pas atteint, les chances de progresser sont faibles et la perspective de pouvoir tenir son rôle dans la société israélienne s’éloigne.

Pour rassurer les candidats l’Alyah, je rappellerai 2 choses :

  • Il n’y a pas besoin d’être bilingue pour partir en Israël.
  • Il n’y a pas d’âge pour apprendre l’hébreu. Je peux vous citer en exemple des retraités de 60 ou 70 ans qui ont parfaitement appris l’hébreu. Une seule solution : La VO-LON-TE !

Un message à faire passer aux futurs candidats à l’Alyah de France ?

Un message d’espoir et de détermination.

Sachez que faire sa place en Israël, venir se réaliser dans ce pays fabuleux est possible. Je ne dis pas que l’Alyah est une démarche simple, bien au contraire. Mais si l’on garde à l’esprit qu’Israël est le pays de toutes les opportunités, les chances de succès augmentent.

Vous y avez un futur en Israël, à condition de vous le créer.

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